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Marqueurs Somatiques : Quand le Corps Mémorise et Guide nos Décisions

Dernière mise à jour : 19 mai




1. Qu’est-ce qu’un marqueur somatique ?

Un marqueur somatique est une empreinte émotionnelle laissée dans le corps à la suite d’une expérience marquante. Elle se manifeste sous forme de réaction physique (gorge serrée, boule au ventre, jambes tremblantes…) et influence inconsciemment nos décisions futures.

➡️ Ces marqueurs sont encodés et stockés dans plusieurs régions cérébrales (insula, cortex préfrontal ventromédian, amygdale limbique…) et sont rappelés automatiquement lorsque des situations similaires sont perçues.


2. Quand et comment un événement devient-il un marqueur somatique ?

Trois conditions clés :

  1. Une émotion forte (colère, honte, peur, tristesse, surprise…)

  2. Une perception de menace ou d’insécurité

  3. L’absence de régulation émotionnelle dans les heures ou jours qui suivent

🧠 À ce moment, le cerveau intègre et relie plusieurs dimensions de l’expérience :

  • le contexte (où, quand, avec qui…)

  • l’émotion ressentie

  • les réactions corporelles (frissons, tension, souffle coupé…)

La mémoire émotionnelle devient alors corporelle autant que cognitive.


3. Le rôle du cerveau dans la mémoire somatique

🔄 Une intégration multisensorielle

Le cerveau fonctionne comme un centre d’enregistrement holistique. Lors d’un événement marquant, plusieurs régions cérébrales collaborent :

🧠 L’insula – La conscience corporelle
  • Rôle : Interprète les signaux internes du corps (douleur, rythme cardiaque, viscères…)

  • Fonction : Rend les sensations conscientes (interoception)

  • Lien avec le marqueur : Crée une empreinte sensorielle précise

Exemple : Vous sentez un « nœud dans l’estomac » en entrant dans une pièce. L’insula détecte une réaction corporelle subtile liée à une expérience passée. Vous devenez vigilant, sans comprendre pourquoi.
🧠 Cortex préfrontal ventromédian – L’interface intuition-décision
  • Rôle : Intègre les ressentis corporels dans les choix

  • Fonction : Relie situations passées, émotions et conséquences

  • Lien avec l’intuition : Crée des raccourcis émotionnels → prises de décisions intuitives

Exemple : Vous hésitez entre deux candidats. L’un provoque un malaise diffus. Votre cortex préfrontal ventromédian réactive une mémoire émotionnelle liée à un ancien conflit avec un profil similaire.
🧠 Amygdale limbique & Hippocampe – Le duo alerte & contexte
  • Amygdale : Détecte les émotions intenses (peur, menace…)

  • Hippocampe : Mémorise les éléments contextuels (lieu, temps…)

  • Ensemble : Déclenchent une réponse émotionnelle conditionnée dès qu’un signal connu est détecté

Exemple : Un collaborateur explose en entendant le mot « performance ». L’amygdale l’associe à une humiliation passée. L’hippocampe se souvient du contexte, et la réaction se déclenche.
🧠 Tronc cérébral & Hypothalamus – Le pilote automatique du corps
  • Rôle : Déclenchent les réponses physiologiques involontaires

  • Fonction : Exécutent les ordres de stress ou d’alerte transmis par le cerveau émotionnel

Exemple : Une collaboratrice sent sa gorge se nouer en entretien. Le tronc cérébral et l’hypothalamus réactivent une ancienne mémoire corporelle liée à une figure d’autorité, déclenchant une réaction de stress immédiate.

4. Le circuit cerveau-corps : de l’événement au ressenti

  1. Détection sensorielle → L’amygdale limbique évalue la charge émotionnelle

  2. Ordre au corps → Tronc cérébral/hypothalamus activent les réactions

  3. Réaction physiologique → Boule au ventre, gorge serrée…

  4. Perception corporelle → L’insula capte les signaux

  5. Analyse implicite → Le cortex préfrontal fait le lien avec le passé

  6. Décision intuitive → Réaction sans réflexion consciente


5. Exemples d’ancrage somatique

Enfance :

Un enfant humilié ressent une chaleur au visage. L’émotion non exprimée s’imprime. Plus tard, chaque évaluation réactive la tension.

Vie professionnelle :

Un cadre critiqué sèchement ressent une oppression thoracique. Toute figure d’autorité déclenche une réaction similaire, même sans danger réel.

Prise de parole en public :

Une collaboratrice se fige au moment de prendre la parole devant un groupe. Sa gorge se serre, ses mains tremblent, elle sent son cœur s’emballer. Inconsciemment, elle réactive un souvenir d’adolescence où elle avait été moquée après une prise de parole maladroite. Le corps, via les marqueurs somatiques, rejoue cette scène passée pour la protéger d’une menace perçue.

Impact positif :

Un jeune manager, lors d'une présentation stratégique réussie, ressent un puissant sentiment de confiance accompagné d’une expansion thoracique et d’un enracinement dans ses appuis. Cette sensation, répétée au fil de ses succès, devient un marqueur somatique positif. Désormais, chaque prise de parole en public déclenche automatiquement ce ressenti de stabilité et de force intérieure, favorisant une posture d’assurance et de leadership naturel.


6. Identifier les marqueurs somatiques

Posez-vous deux questions clés :

  • Qu’est-ce que je ressens ?

  • Où est-ce que je le ressens dans mon corps ?


Cartographie émotionnelle typique :

Zone corporelle

Émotion probable

Ventre

Peur, insécurité

Gorge

Colère retenue, non-dits

Poitrine

Tristesse, chagrin

Épaules / nuque

Charge mentale, pression

Dos

Surcharge émotionnelle, isolement

7. Prévenir l’inscription d’un marqueur : une course contre l’encodage

Il existe une fenêtre temporelle cruciale pour éviter qu’un événement perturbant ne s’inscrive profondément :

Fenêtre

Délai

Objectif

Critique

0 à 6 heures

Accueillir l’émotion, mobiliser une régulation corporelle rapide

Utile

24 à 48 heures

Recontextualiser, verbaliser, donner du sens

Au-delà

Après 48 heures

Le marqueur est potentiellement ancré ; un accompagnement plus profond sera nécessaire

8. Peut-on désamorcer un marqueur somatique ?

✅ Oui, surtout si l’on intervient rapidement, mais même un marqueur déjà inscrit peut être transformé.


Comment ?

Lorsque l’empreinte émotionnelle est déjà présente, le coaching professionnel peut jouer un rôle clé. Il ne s’agit pas de thérapie, mais d’un accompagnement conscient, corporel et narratif, visant à restaurer le pouvoir d’agir.


En coaching, cela passe par :

  • La mise en lumière des déclencheurs : identifier les situations qui activent le marqueur

  • L’écoute du corps : accueillir les signaux corporels comme ressources d’analyse

  • La verbalisation guidée : nommer ce qui a été tu ou refoulé

  • La reconnexion au choix : sortir du réflexe de défense pour redevenir acteur

  • Des ancrages corporels : respiration, mouvement, posture pour sécuriser la présence

Exemple : Après un entretien difficile, un salarié parle à un collègue et fait une marche. Cette combinaison empêche l’ancrage du marqueur.

9. Prévention en entreprise : un enjeu managérial

Les environnements flous, tendus ou déshumanisés sont des incubateurs de marqueurs somatiques.

Bonnes pratiques managériales :

  • Clarifier les rôles et attentes

  • Donner des feedbacks fréquents

  • Écouter les signaux faibles

  • Offrir des espaces d’expression (rituels, coaching…)

Exemple : Un manager met en place des "retours à chaud" après chaque projet. Résultat : tensions désamorcées, ambiance apaisée, turnover en baisse.

10. Le rôle caché des marqueurs dans la décision

Nous croyons décider de façon rationnelle. En réalité, le corps influence profondément nos choix.

Selon Damasio, les marqueurs somatiques sont des signaux émotionnels silencieux qui orientent :

  • L’intuition

  • Les jugements

  • Les comportements d’évitement ou de blocage


🎯 Conclusion : écouter ce que le corps a enregistré

Les marqueurs somatiques sont comme des post-it émotionnels collés dans la mémoire corporelle. Les ignorer, c’est laisser le passé décider à notre place.

Les reconnaître, les comprendre, les traverser, c’est :

  • Reprendre le pouvoir sur ses décisions

  • Se libérer de schémas inconscients

  • Avancer avec plus de clarté et d’ancrage

Cela commence par un cadre où l’émotion est autorisée, entendue, accompagnée.


📚 Sources scientifiques et bibliographie

Travaux fondateurs

  • Antonio Damasio – L’erreur de Descartes ; Le sentiment même de soi ; Spinoza avait raison

  • Bechara, A. et al. (1997) – Science – Étude expérimentale sur les marqueurs somatiques

Neurosciences émotionnelles

  • Joseph LeDoux – The Emotional Brain

  • Daniel Siegel – The Developing Mind

  • Bessel van der Kolk – Le corps n’oublie rien

  • Stephen Porges – La théorie polyvagale

Approches complémentaires

  • Peter Levine – Waking the Tiger

  • Richard Schwartz – Internal Family Systems

  • Rick Hanson – The Buddha’s Brain

Articles & conférences

  • Critchley, H. D. et al. (2004) – Nature Neuroscience – Sur la conscience interoceptive

  • Podcast NPR – Interview Damasio (Hidden Brain)

  • TED Talk – Stephen Porges – How your emotions change the shape of your heart

 
 
 

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